Surdité: entendre avec les yeux

Une maman malentendante a fait de son handicap une force: elle enseigne la lecture sur les lèvres, dite lecture labiale.

La Lausannoise  Anoucha Betti est mère de trois garçons, Navid et Nima, jumeaux de 6 ans, et le petit dernier Shahin (2 ans). Si rien ne distingue cette femme élégante et dynamique des autres mamans au premier abord, elle est malentendante depuis la naissance. Elle n’entend pas de l’oreille droite et porte un appareil auditif à l’oreille gauche. Anoucha Betti a réussi à faire de son handicap une vraie force: elle enseigne la lecture sur les lèvres, ou lecture labiale, depuis le début de l’année. Elle a suivi une formation de deux ans et a reçu son diplôme au printemps dernier. Elle fait partie des 22 enseignantes spécialisées en lecture labiale de Suisse romande (lire plus bas).

 

Beaucoup de pratique

«La lecture labiale me donne confiance. Je me rends compte à quel point elle est utile. C’est comme une béquille sur laquelle je peux m’appuyer», image joliment Anoucha Betti. «Il y a beaucoup d’échanges très riches avec les participants. Tout être humain qui naît malentendant lit sur les lèvres instinctivement, mais l’adulte qui a perdu son ouïe doit l’apprendre. Ça demande de la concentration et de la mémorisation. Il faut beaucoup de pratique.»

Certains sons ont, en effet, la même image labiale comme par exemple «pe», «be» et «me». Il faut ainsi les déchiffrer selon le contexte de la conversation.
L’enseignante souligne que la lecture labiale est «complémentaire à l’appareillage. Les malentendants n’osent souvent pas faire le pas de venir aux cours. Ils ne sont pas toujours au courant. Les ORL (ndlr: otorhinolaryngologues) ne les orientent pas forcément vers nous.»

Les cours de lecture labiale s’adressent aussi aux personnes entendantes qui souhaitent pouvoir mieux communiquer avec les malentendants ou qui travaillent dans un environnement bruyant. «C’est comme un cours de perfectionnement. S’ils pensent que c’est inutile, les gens devraient venir voir ce que c’est», commente son mari Gilberto.
Anoucha est d’origine iranienne et italienne. Elle parle persan avec ses fils, son époux leur parle en italien et le couple communique en français!
Les enfants savent comment s’adresser à leur maman: «Ils me touchent ou bien me regardent pour me demander quelque chose. C’est devenu un réflexe», explique la mère de famille. Comme Anoucha s’exprime parfaitement, son époux souligne que parfois les gens ne se rendent même pas compte qu’elle est malentendante: «Ils peuvent penser qu’elle les snobe car elle ne les entend pas.»

Anoucha Betti doit changer son appareil auditif tous les cinq ans. «Chaque fois, il faut se réhabituer au nouveau, le régler. C’est difficile. Cela engendre des maux de tête et de la fatigue. Ça prend quelques mois.» L’assurance invalidité (AI) rembourse 840 francs par oreille, mais l’appareil coûte plus de 4000 fr. Les démarches sont fastidieuses, selon elle: «Je ne trouve pas normal que pour un tel handicap il faille en faire autant! J’ai dû prouver que j’étais sourde…»                                                                             

«Il y a 960 000 personnes malentendantes en Suisse dont 160 000 portent un appareil auditif. Les cours sont destinés aux malentendants, appareillés ou non, car ils sont un complément indispensable pour une meilleure communication.»